Va chier, Morphée.

Morphée

Ceci est une lettre au salaud qui m’a abandonné :

« Mon chéri, mon précieux… Quand je pense à ma jeunesse perdue à me refuser à toi, à résister de tomber trop facilement dans tes bras. Je te repoussais, Morphée, je sais, je sais… Aujourd’hui que tu m’as quitté, tu me manques en sale…

Pourquoi tu ne veux plus passer la nuit avec moi ? Han ? C’était si bon, nous deux… Des fois, on était juste bien. Des fois c’était cochon. Des fois, j’en manquais des bouts tellement tu me faisais rêver, Morphée.

C’est plus comme avant. Quelque chose a changé. Maintenant, tu te pointes quand tu veux. Tu prends ton coup et après, tu te barres. Pourquoi tu me laisses plus me réveiller avec ton odeur sur mon haleine ? C’est à cause de moi, c’est ça ?

Aujourd’hui que je suis vieille et lasse, tu me délaisses, c’est ça ? Tu te délestes de moi? Tu me détestes, ma foi…

Me faire si mal à moi, moi qui t’aime tant, qui a tant besoin de toi. Je suis cernée, fatiguée, irritable, parce que j’t’en train de virer folle raide sans toi, Morphée !

Des fois, tu ne viens même pas. Oh, un p’tite demi-heure, quarante-cinq minutes, pour la forme, mais je le vois bien que ça te tente pas. Ou bien tu pars comme un amant marié. Tu remballes tes affaires juste au moment où on commençait à être confortables. Qu’est-ce que je t’ai fait, hein ? À part te négliger à certaines fêtes ou quand j’avais des deadlines?

À bien y penser, c’est depuis que j’ai eu un bébé que tu as changé. Tu es devenu plus absent, distant. Tu m’aimais plus comme avant. Et maintenant? Maintenant que mon enfant est grand et que je te suis enfin entièrement dévouée, tu veux plus rien savoir de moi ?

Va chier, Morphée. Va chier.

En plus, quand môsieur daigne se pointer le nez dans mon lit, c’est pour me sauter dessus en m’écrasant de tout son poids. Tu me colles tellement que je me retrouve les draps mouillés de sueur, les lunettes de lectures encore sur le nez et la lumière de chevet toujours allumée. Je n’ai plus souvenir de toi, de ta visite. Coudonc, m’as-tu donné du GHB, mon ostie ? Et là, je te cherche dans mes couvertures, je t’appelle et tu es parti.

Tu vas en rejoindre une plus jeune, hein ? Une belle p’tite fille saine qui boit de la camomille et fait du sport, genre ? Elle n’a pas de petit rongeur dans le coin de la chambre qui tourne et qui tourne et qui te gosse tant, elle, hein ?

Et là, tu lui offres ta poitrine pour qu’elle y repose sa tête ? C’est ça ? Tu lui caresses les cheveux, en lui jetant de la poudre aux yeux ? Comme tu le faisais avec moi, avant ?

Vas chier, Morphée.  Va chier.

À partir de tout de suite, je ne vais plus t’attendre. Je vais faire des patentes. Je vais me tenir occupée. Oui, en pantoufle, dans la pénombre, toi chose ! Fuck you que je vais t’espérer comme une conne ! Je vais écrire un roman, tiens ! Ou faire du tricot ou de la pyrogravure. Que fucking sais-je !!

Qu’est-ce que je raconte… ?

J’ai beau lutter, tu finis toujours par me gagner. Oui, tu finis toujours par me décrocher la mâchoire.

Morphée… Viens chez moi ce soir. Allez, viens…

Je me suis calmée. Je te promets. Viens. On pourra faire ça debout ou sur nos deux oreilles, en foetus ou en cuillère, on pourra faire ça comme une bûche ou une roche.

Allez, viens Morphée ! Viens et prends-moi ! Prends-moi enfin !»

Fait que, c’est ça, quand le sommeil vous quitte, ladies and gentlemen, ça craint un ti-peu.

Sensuellement vôtre,

La méno-pin-up

2 réflexions sur “Va chier, Morphée.

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